"Si le RN ou le NFP passe : j'annule le contrat !" : quid des clauses illégales
A l'occasion de la dissolution de l'Assemblée Nationale, le 09 juin 2024, le climat s'est tendu en France. Cela se traduit notamment par des demandes d'insertion dans les contrats de clauses "originales". Une grande partie des différents droits sont concernés, à commencer par le droit immobilier. D'autres risquent aussi de l'être dans les prochains jours. Mais ces clauses originales demandées par les clients sont elles légales. NDP Avocats vous explique tout !
Clauses illégales En droit immobilier
Un domaine semble particulièrement touché par ce climat. Il s'agit de l'immobilier. En effet, les acheteurs peuvent être tentés d'adopter une posture de méfiance et d'insérer une clause du type "si tel ou tel parti politique dispose de la majorité à l'Assemblée nationale, le contrat d'achat de l'immeuble sera caduc" . C'est d'ailleurs ce que met en lumière un article du Figaro Immobilier. Mais est-ce vraiment possible d'insérer une telle clause ?
Le contrat étape par étape
En préambule, Maître Jérôme Debeauce précise qu'un contrat, lorsqu'il est signé, fait la loi des parties et que les clauses doivent être précises. "Il n'y a rien de pire qu'un contrat dont les clauses sont floues" .
1 - La liberte contractuelle
Avant de répondre à cette question, Maître Jérôme Debeauce souhaite mettre en avant le principe de liberté contractuelle. "Il s'agit d'un principe qui donne aux différentes parties la liberté de contracter... mais aussi la liberté de ne pas contracter. Ainsi on est toujours libre de contracter ou non, quand bien même les parties ont engagé des pourparlers" .
2 - Le contenu du contrat
Vient ensuite le moment de la rédaction du contrat. "Une fois qu'on s'est mis d'accord, faut-il encore le mettre noir sur blanc... Et c'est là, parfois, que des clauses originales voire farfelues peuvent être demandées par l'une des parties. Mais du moment que les parties sont d'accord : aucun problème... Sauf si ladite clause est contraire à la Loi" .
3 - Ce que dit la loi
C'est l'article 1102 du code civil qui définit à la fois la liberté contractuelle et ce qu'il est possible ou non d'inscrire dans un contrat : "Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public" .
4 - Les clauses illégales dans un contrat
Ainsi les co-contractants peuvent rédiger toutes les clauses qu'ils souhaitent si elles ne contreviennent pas à la loi et à l'ordre public. "Par exemple, il n'est pas possible de faire un contrat de vente de cocaïne ou toutes autres drogues prohibées en France. En matière de bail d'habitation, le propriétaire ne peut pas exiger de son locataire 3 mois de dépôt de garantie alors que la loi de 1989 sur le sujet dit que c'est seulement 1 mois obligatoirement" .
"Si le RN ou le NFP passe : j'annule le contrat !"
Ainsi, au regard de ce qui vient d'être évoqué, et des articles qui régissent un contrat, il est possible d'insérer ce type de clauses . "Aussi étonnantes soient-elles, de telles clauses -qui indiquent que si tel ou tel parti politique arrive au pouvoir-, peuvent effectivement conditionner la conclusion d'un contrat... Mais dans les faits, soyons réalistes, le processus de signature de la vente sera tout simplement mis en stand-by comme l'évoque le Figaro Immobilier" .
Vouloir inscrire l'arrivée du RN ou du NFP au pouvoir comme clause suspensive est donc juridiquement possible, mais dans les faits hautement improbables.
Attention aussi à ne pas prévoir une clause dite potestative qui est prohibée.
La clause potestative
"C'est une notion peu connue en droit" explique Maître Jérôme Debeauce. "Il s'agit d'une condition qui dépend du bon vouloir exclusif de l'une des parties. Évidemment, une clause potestative est forcément illégale !" ajoute-t-il. "La condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher" . Par ailleurs : "Toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige" .
Exemples de clauses illégales et atypiques
L'exemple cité par le Figaro Immobilier est évidemment en lien avec l'actualité bouillante du moment. Mais en réalité des clauses illégales peuvent se glisser dans de nombreux contrats autres qu'une transaction immobilière.
En droit de la famille, dans le cadre d'un divorce, la mère ne peut dire à son futur ex-conjoint : "si tu me laisses la garde de l'enfant, je ne te demanderai pas de pension alimentaire" . Pourquoi ? Parce que c'est contraire au code civil qui stipule que les parents doivent subvenir aux besoins de leurs enfants.
En revanche, toujours en droit de la famille, une clause dans le contrat de mariage qui stipulerait que les époux sont d'accords pour un nombre minimum de rapports sexuels chaque mois au sein du couple ne serait pas illégale. "Certes cela peut apparaitre moralement choquant (bien que les deux époux soient d'accords), mais ça ne serait pas illégal. A titre d'exemple, une femme a été reconnue coupable de refus de relations sexuelles avec son mari par la Cour de cassation en 2020" .
Du côté du droit social, il est en revanche plus difficile de trouver des clauses illégales. "Parce que tout est très bordé" explique Maître Jérôme Debeauce "ceci afin d'équilibrer les rapports de force" . Il poursuit en disant que "c'est également le cas dans d'autres droits comme en droit commercial pour les baux commerciaux" .
En fait, de plus en plus, le législateur souhaite encadrer la liberté contractuelle, surtout lorsque le rapport de force entre les parties est déséquilibré. Pourquoi ? "parce que sinon c'est la jungle et la loi du plus fort qui s'applique" .
Que faire face à des clauses illégales, potestatives ou originales ?
Au moment de signer un contrat, vous hésitez. L'une des clauses vous semble illégale parce qu'elle ne respecte visiblement pas la loi selon vous ? Une autre vous apparaît comme potestative ? Une dernière vous semble simplement étonnante et vous ne savez pas quoi en penser ? Notre vive recommandation est de poser votre stylo et de nous transmettre le contrat pour relecture.
Connaissez-vous l'adage qui dit que "si c'est flou, c'est qu'il y a un loup !" ou "ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement" ?
Comme un contrat fait loi, mieux vaut être sûr de ce que vous signer avant. En clair, contactez-nous !