Droit Social : l'enregistrement audio clandestin est-il une preuve ?
Savez-vous qu'en droit, au rayon des preuves, il en existe de plusieurs sortes. Certaines sont recevables, tandis que d'autres non. Cela tient très souvent à la manière dont elles ont été obtenues. Ainsi une preuve est dite illicite lorsqu'elle est obtenue en violation de la loi. Aujourd’hui, NDP Avocats revient sur une décision de la Cour de Cassation du 22 décembre 2023. En effet, depuis cette date, un enregistrement audio clandestin peut désormais être considéré comme une preuve recevable aux prud'hommes. C'est un véritable coup de théâtre en matière de droit social. Notre cabinet d'avocat vous explique pourquoi !
La loyauté de la preuve
Heureusement, et ce indépendamment du type de droit, toutes les preuves ne sont pas admises. Comme évoqué en introduction, les preuves obtenues de manière illicites sont irrecevables. Impossible donc de produire des preuves obtenues par le chantage, la corruption ou des violences physiques par exemple. "C'est ce qu'on appelle le principe de la loyauté de la preuve" explique Maître Jérôme Debeauce. "Toute preuve que vous apportez en justice doit avoir été recueillie de manière loyale. Cette preuve ne doit pas porter atteinte à la vie privée ou au secret professionnel" .
Voilà pourquoi, jusqu'à présent, un enregistrement audio clandestin était considéré comme une preuve irrecevable car déloyale. Mais depuis le 22 décembre 2023 et la décision de la Cour de Cassation tout a changé !
"Un revirement spectaculaire de jurisprudence"
Même si cette décision de la Cour de Cassation date maintenant de plusieurs mois, celle-ci semble être passée complètement inaperçue aux yeux du grand public. Pourtant, et à l'inverse, certains médias spécialisés n'hésitent pas à qualifier cette décision de "revirement spectaculaire de jurisprudence" .
Quid de l'enregistrement audio clandestin
Maître Jérôme Debeauce rappelle que "jusqu'au revirement de la Cour de Cassation, un enregistrement audio clandestin était considéré comme déloyal, car il portait atteinte à la vie privée de la personne enregistrée à son insu. Il n'était donc pas possible de produire une telle preuve ! Mais ça, c'était avant. Maintenant, en droit social, tout va changer !" .
Avant / Après
Un enregistrement audio clandestin reste considéré, encore aujourd'hui, comme une violation de la vie privée. Il s'agit d'un délit encadré par l'article 226-1 du code pénal. Toute personne qui réalise un tel acte s'expose à un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.
En revanche, dans le cadre d'un échange professionnel, ce n'est plus un délit. Même s'il s'agit d'une preuve déloyale, un enregistrement audio clandestin peut être considéré comme recevable. En l'occurrence la Cour de Cassation justifie sa décision en expliquant que si la vérité ne peut pas être établie par un autre moyen, une partie peut alors produire une preuve déloyale tel qu'un enregistrement audio clandestin. Toutefois l'atteinte qui en résulte doit être : "proportionnée au but poursuivi" précise la juridiction .
Bon à savoir, avec cette décision, la Cour de Cassation se conforme à la jurisprudence européenne.
Pour aller plus loin
Vous voulez en savoir plus sur ce revirement de la Cour de Cassation ? NDP Avocats vous recommande la lecture d'un article du journal Le Point qui relate les faits. Dans cette affaire, la plus haute juridiction française à donner raison à un employeur -qui a produit un enregistrement audio clandestin comme preuve- face à un salarié. Dans les faits désormais l'inverse peut également se produire. Ainsi que d'autres situations comme le fait d'utiliser un enregistrement audio clandestin entre salariés. Mais aussi entre un manager et son équipe et inversement. Bref, le champ des possibles s'agrandit à vue d'oeil !
Une jurisprudence qui va dans le bon sens ?
Ceci étant, ce revirement pose de nombreuse questions. S'agit-il là d'une évolution de la jurisprudence qui va dans le bon sens ? Ou au contraire a-t-on ouvert sans s'en rendre compte une boîte de Pandore ? NDP Avocats vous livre prochainement son analyse ! En attendant, si vous envisagez d'avoir recours à l'utilisation d'un enregistrement audio clandestin comme preuve ou si vous en êtes victime : contactez-nous !