Uber, son modèle remis en cause par la Cour de cassation

Le 04 mars dernier, la Cour de cassation déboute Uber de son pourvoi et valide la requalification, en contrat de travail, du lien qui existe entre Uber et un de ses chauffeurs. Ainsi le prestataire devient un salarié de la société. Est-ce là une révolution ? Est-ce la fin de l’uberisation ? C’est ce que notre cabinet d’avocats en droit social à Orléans va tenter de déterminer.

Rien de révolutionnaire !

Selon Jérôme Debeauce, associée chez NDP avocats, “contrairement à ce qu’on pense, cet arrêt de la Cour de cassation n’a rien de révolutionnaire ! La Cour de Cassation ne fait qu’appliquer sa jurisprudence habituelle sur le lien de subordination”.
D’ailleurs à la lecture de l’avis écrit du premier avocat généralcet arrêt ne constitue pas un revirement de la jurisprudence” explique Jérôme Debeauce. Pour l’avocat général : “L’arrêt rappelle en effet très classiquement” ce qu’est le “lien de subordination”… Et c’est sur cette base que la Cour de cassation s’est appuyée pour rejeter le pourvoi de Uber.

Quelles conséquences pour Uber ?

Comme le précise le journaliste Nicolas Barré sur Europe 1 le 06 mars 2019, “à court terme évidemment ce n’est pas une bonne nouvelle. Uber pourrait même être obligé d’indemniser les chauffeurs qui seront requalifiés en salariés. Mais en imposant les règles du droit du travail aux plateformes, la justice, c’est tout le paradoxe de ce dossier, favorise les géants comme Uber face aux petits nouveaux ceux qui voudraient les concurrencer. Ca va devenir plus difficile d’offrir des services via une plateforme Internet puisqu’il y aura désormais ce risque que la main d’œuvre soit requalifiée en salariés. Au fond, cela crée une barrière à l’entrée pour les nouveaux entrants. Et cela favorise de fait ceux qui, comme Uber, ont profité des failles de la loi ces dernières années pour se bâtir un empire”.
Toutefois notre cabinet d’avocats en droit social à Orléans souhaite nuancer ces propos. Selon Jérôme Debeauce :“les concurrents vont jouer avec les mêmes armes et les mêmes règles du jeu. Il n’y aura pas de dumping social”.

Seulement un exemple emblématique

En clair cet arrêt ne représente qu’un exemple emblématique de l’application du droit du travail… Parce qu’il remet en cause un modèle instauré depuis plus de dix ans en France par une entreprise en vue. Ce n’est pas une révolution, ce n’est qu’une évolution. Et ce n’est pas une première.

A l’international

Il y a déjà un précédent. Comme le précise Nicolas Barré : “depuis janvier en Californie, la loi impose des contraintes sociales plus strictes aux plateformes”.

En France

La Cour de cassation a déjà jugé dans le même sens concernant les livreurs à vélo de la société Take Eat Easy (28 novembre 2018, n°17-20.079 P+B+R+I cassation d’un arrêt de la Cour d'appel de Paris) : “qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle constatait, d'une part, que l'application était dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d'autre part, que la société Take Eat Easy disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du coursier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses  constatations dont il résultait l'existence d'un pouvoir de direction et de contrôle de l'exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination”.

ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : http://www.dailymotion.com/Europe1frLa Cour de cassation considère désormais qu'un chauffeur Uber, étant donné son lien de subordination avec la plateforme, peut être requalifié en salarié s'il le demande. Pour en parler, Matthieu Belliard reçoit Kevin Mention, avocat en droit du travail, et Jérôme Pimot, ex-coursier Deliveroo, représentant des coursiers.

Et maintenant ?

Maître Kevin Mention, avocat représentant plus de 300 travailleurs de ce type qui demandent leur requalification, espère “lancer un signal d’alerte” vis-à-vis des abus constatés sur ces plateformes. Il prévient les entreprises du secteur : “Si vous n’arrêtez pas ces abus, il y aura du salariat derrière et des requalifications en contrat de travail”. En effet domino, il pourrait y avoir d’autres conséquences : voir vidéo ci-contre.
De son côté la Ministre du travail, Muriel Pénicaud, estime qu’il faut “inventer des règles qui permettent la liberté et la protection”. Elle annonce des propositions en ce sens “d’ici l’été”.